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La mort fiscale du Jeu de rôle, vers une hausse des prix ?!

  • Photo du rédacteur: Jemrys
    Jemrys
  • 16 oct. 2024
  • 6 min de lecture

Jusqu’à la fin de l’été, on pouvait trouver dans le BOFiP un article spécifiquement dédié au jeu de rôle et à son taux d’application de TVA. Ce n’est désormais plus le cas, et on assiste à une petite vague d’inquiétude, plus ou moins légitime, sur l’impact que cela va avoir sur les prix. Mais qu’en est-il vraiment ? On fait le point.




Tout d’abord, il est nécessaire de faire quelques distinctions utiles. Je précise ici qu’il ne s’agit en aucun cas de porter un jugement de valeur ou d’établir une hiérarchie culturelle, artistique ou intellectuelle sur les produits dont on va parler (et non, "produit" n’est pas non plus un terme péjoratif).

Or donc, pour bien comprendre les enjeux, il faut distinguer le livre, le jeu de rôle, et le jeu de société. Ces 3 appellations ne sont pas nécessairement ni mutuellement exclusives, notamment par rapport au fait qu’un jeu de rôle peut aussi être considéré comme un livre ou bien comme un jeu de société. Ce qui va importer, c’est la distinction que l’administration en fait.

Pourquoi la question se pose ?

Avant de continuer plus avant et de rentrer dans le côté technique du sujet, il peut être intéressant de noter que si la question se pose aujourd’hui, c’est parce que l’on assiste depuis quelques années maintenant à un joyeux mélange des genres à plusieurs niveaux. En premier lieu, les produits eux-mêmes qui prennent de nouvelles formes, ou des formes hybrides, et dans le même temps, les acteurs des différents marchés qui élargissent leur champ d’action : éditeurs de livres qui produisent des jeux, éditeurs de jeux qui vendent en librairies, enseignes culturelles qui proposent de tout, etc.


Si les choses étaient bien distinctes auparavant, la problématique ici est que l’on se retrouve donc finalement avec une gestion un peu généralisée de produits qui relèvent normalement de 2 taux de TVA, le livre à 5,5%, et le jeu de société à 20%. Et on ne va pas se leurrer, la différence est assez notable pour que la tentation de tout mettre à 5,5% soit assez forte. D’autant que si l’on est un peu joueur (ou de mauvaise foi), on peut bien ne retenir que ce qui nous arrange des précisions données par l’administration, tant que personne ne regarde de trop près, ça passe.



Sauf que...


À la fin de l’été, l’administration fiscale a changé sa doctrine (la manière dont elle explicite les lois et normes fiscales), entraînant un possible changement de la TVA applicable à certains produits, qui passerait alors de 5,5% à 20%. On voit donc apparaître des posts et courriels un peu catastrophés ou urgentistes portant notamment sur le jeu de rôle.


Qu’est-ce qui change ?

En vérité, pas grand-chose, si ce n’est qu’une clarification a été apportée sur le taux applicable à un certain type de jeux de société. Dans un document qui parle du livre.


En effet, jusque-là, on peut considérer qu’il était admis fiscalement qu’un livre et un jeu de société étaient des produits assez différents pour que la question ne se pose même pas. La seule apparition de la mention « jeu de société » servait à introduire la notion de « jeu de rôle » dans un article dédié qui précisait les modalités selon lesquelles un jeu de rôle pouvait bénéficier du taux réduit applicable aux livres.

V. Précisions complémentaires sur le taux applicable aux jeux de rôles
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Les jeux de société ou individuels sont vendus sous des formes et des présentations variées, notamment celles d'ouvrages reliés, accompagnés ou non de cartes, tableaux, dés, cassettes, etc.
Le taux applicable aux jeux de rôles doit être déterminé en fonction de la nature des éléments qui les constituent. Ainsi, les ouvrages relèvent du taux réduit de la taxe s'ils peuvent être considérés comme des livres au sens du 3° du A de l'article 278-0 bis du CGI (cf. II § 40).
Au cas particulier, les ouvrages de jeux de rôles répondent à cette définition lorsqu'ils comportent une partie rédactionnelle importante présentant une unité suffisante qui permet de leur conférer le caractère d'œuvre intellectuelle.
En tout état de cause, les espaces blancs destinés à être utilisés par les lecteurs et la publicité ne doivent pas dépasser un tiers de la surface totale.
Les accessoires ou extensions qui constituent fréquemment des éléments des jeux de rôles tels que cartes, tableaux, plateaux, figurines, dés, cassettes sonores ou vidéo, doivent être soumis au taux de la TVA qui leur est propre.
Lorsque les jeux de rôles sont composés d'éléments relevant de taux différents, coffrets contenant des livres et des accessoires de jeux par exemple, chacun peut être soumis au taux qui lui est propre à condition que leurs prix respectifs soient indiqués séparément sur les factures et dans la comptabilité des entreprises ; à défaut, l'ensemble doit être soumis au taux le plus élevé.1

En résumé, pour un jeu de rôle sous forme de livre, la question ne se pose pas, c’est du taux réduit. Quand on a un coffret avec des accessoires, a priori, c’est le taux normal qui s’applique (comme si c’était du jeu de société). Les cas de l’écrans de MJ est un peu particulier, puisque l’on pourrait potentiellement le considérer comme un accessoire, mais c’est la raison pour laquelle on le trouve quasi systématiquement accompagnant au moins un livret en France.


Pour être tout à fait honnête, la question de « l’ensemble imprimé » dans la définition du livre peut effectivement être posée dans la mesure où l’on a vu fleurir bon nombre de jeux d’enquête qui se présentent comme un groupement d’éléments imprimés, qu’il s’agisse d’aides de jeu ou de cartes. Et sans poser la question mais en l’interprétant de cette manière, de nombreux jeux de société se sont vu présentés avec un taux réduit.


Jusqu’au moment où la question a été posée...



Et la réponse donnée. À savoir :

Le taux réduit de 5,5 % de la TVA prévu pour les livres n’a pas vocation à être appliqué à des produits, tels que les coffrets en question, qui relèvent de la catégorie des jeux de société. Dans ces conditions, ces produits doivent être soumis au taux normal de TVA (CGI, art. 278).2

En conséquence de quoi, la doctrine a été clarifiée et une nouvelle version publiée3. Et dans celle-ci, il est désormais bien précisé que les jeux de société ne peuvent pas être considérés comme des livres, et qu’à partir du moment où les jeux de rôle sont accompagnés d’accessoires, ils sont considérés comme des jeux de société.

3. Ouvrages ne répondant pas à la définition fiscale du livre
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En revanche, sans que cette liste n'ait un caractère limitatif, les ouvrages suivants ne répondent pas à la définition fiscale du livre :
[...]
- les jeux de société et les ouvrages, périodiques ou non, consacrés aux jeux (mots croisés, fléchés, casés, etc.) ;
Remarque : Les jeux de société rassemblent notamment des accessoires tels qu’une règle de jeu, des dés, des pions, un plateau ou un boîtier. Ainsi, dès lors qu’ils s’accompagnent de ces accessoires, les jeux de rôle constituent des jeux de société et ne sont pas assimilables à des ouvrages répondant à la définition fiscale du livre.
S’agissant du taux de TVA applicable aux livraisons de jeux de société, il convient de se reporter au BOI-RES-TVA-000137.4

Autrement dit, les jeux de rôle présentés sous la forme traditionnelle d’un livre sont, par défaut, considérés comme des livres et se voient appliqués le taux réduit correspondant.


Et c'est tout ?

Non, évidemment il est probable qu'au niveau du jeu de rôle, cette clarification relance une réflexion interne de la part des éditeurs et des créateur·ices indépendant·es sur la forme que pourra prendre leur jeu, en fonction de leurs objectifs de marché et de gamedesign. En soi, c'est toujours quelque chose qui revient de façon assez cyclique, qu'il s'agisse d'intégrer de nouvelles technologies ou législations. Ce n'est ni étonnant, ni inquiétant.

En soi, le marché du jeu de rôle et son prix ne devraient pas en sortir trop chamboulés. Cependant, concrètement en termes de prix, cela va sans-doute avoir quelques impacts à la marge d'une part, et c'est surtout sur les boîtes d'initiation pleines à craquer de matos divers que cela peut se ressentir (fonction de comment était gérée la TVA jusque-là par les éditeurs concernés).


Finalement, ce n’est pas tant que le jeu de rôle n’existe plus fiscalement, c’est bel et bien toujours le cas, mais il n’est plus une exception. La question qui se pose désormais est la suivante : assiste-t-on à la légitimation administrative du jeu de rôle ou bien est-il en train de disparaître, écrasé entre le livre et le jeu de société ?



Jemrys 

À propos des jeux de société

Pour le jeu de société en revanche, c'est une autre histoire, au vu des réactions rapides des distributeurs, ou de certaines (très grosses) licences concernées, les pratiques vont devoir être revues, et le changement de tarification devrait rapidement se faire sentir.

Là où personnellement je me pose une question, c'est est-ce que ces sociétés qui bénéficiaient des avantages fiscaux liées au livre, se conformaient aussi aux contraintes liées à la tarification de celui-ci (prix unique, etc.) ? Et là-dessus, clairement, j'ai de gros doutes...


BONUS : Regarde bien ces ouvrages, sauras-tu aider les éditeurs à déterminer quel taux de TVA appliquer ?

Photo de plusieurs produits ludiques :  Sherlock Holmes Detective Conseil Bureau of Investigation ;  Mystère au Louvre ;  Alice is missing ; L’appel de Cthulhu Boite de base ; Les enquêtes sous scellés La Clef ;  MIR Serment ; Les Lames du Cardinal Prélude ; Crimes Guide de l’Enquêteur ;  Dixit Cérémonie ; Peaky Blinders le jeu de rôle ; Escape Game Geo ; Mon premier jeu de rôle ; Chroniques Oubliées Cthulhu Initiation au jeu d’Aventures ; Dungeons & Dragons boîte d’initiation ; Alien Kit de démarrage ; Hunter le jugement journal personnel ; Echoes Le violon






 

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